MARTINE MCKALE
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J’ai dédié ma méthode de lecture ‘‘J’apprends bien avec toi... Jappy!’’ à Martine Mc Kale, une petite fille autistique avec qui j’ai eu le plaisir de travailler comme aide-élève à l’école St-Antoine de Tecumseh en Ontario en 1999 et 2000. Martine avait alors quatre ans.
Martine était sévèrement atteinte par l’autisme (trouble envahissant du développement) et :
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Elle avait de gros troubles de communication verbale : elle ne faisait que de l’écholalie. (Elle répétait à l’occasion ce qu’elle entendait)
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Elle avait des troubles de socialisation et ne pouvait pas interagir avec les autres.
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Elle faisait des crises de panique sans que l’on ne sache pourquoi.
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Elle ne répondait pas à l’appel de son nom.
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Elle établissait difficilement un contact visuel.
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Elle préférait s’isoler.
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Elle résistait aux changements de routine.
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Elle était incontinente.
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Elle se mettait des objets dans la bouche et parfois même avalait, soient des roches, de la gomme à mâcher trouvée par terre, des morceaux de vitre, de plastique ou de plâtre, des boutons…
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Elle s’arrêtait longuement à regarder bouger les arbres et semblait vivre dans son petit monde bien à elle.
Au premier jour de classe, sa mère l’accompagne. En entrant dans la classe Martine court se cacher sous une table. Je tente d’aller la chercher. Sa mère me dit de ne pas trop l’approcher et que je ne pourrai pas m’asseoir trop près d’elle non plus. Elle est farouche, sauvage. À ce moment, je me demande bien comment je vais faire pour travailler avec une enfant qui ne me regarderait pas dans les yeux. Je regrette amèrement mes élèves de l’année précédente.
Je fis de mon mieux pour l’approcher graduellement. Comme elle ne me regardait pas, j’essayais de communiquer avec elle, même en chantant. Je cherchais tous les moyens qui pouvaient l’accrocher.
Pour l’amadouer, je lui apportai un beau foulard de soie aux couleurs vives que je la regardais faire voler en effectuant de grands cercles dans la cour de l’école en courant. Très léger, il suivait la direction du vent, elle s’amusait à le regarder voler et je la sentais heureuse.
Les billes la passionnaient, quand elle était craintive et refusait d’entrer dans un local, je faisais rouler des billes à l’intérieur et tout de suite, elle rentrait en courant. Un beau jour, Martine refusa brusquement de s’approcher du lavabo. Elle avait peur de l’eau courante. Je place des billes dans ce lavabo et sa peur s’estompe à l’instant même.
On faisait tous les jours des choses nouvelles. Elle aimait beaucoup jouer à l’ordinateur et à la maman avec une poupée qu’on faisait manger ou boire. Je travaillais sa motricité fine dans le bricolage, les casse-tête, le coloriage, le découpage. Je l’entraînais aussi à la propreté et à ses besoins naturels.
Un jour d’octobre, je colle au mur une photo de Martine et moi, je la pointe du doigt en disant son nom. Elle me pointe immédiatement et dit : ‘‘Bouchard’’. Ce fut la première fois où Martine s’est exprimée de façon rationnelle après un stimulus visuel.
Quand elle ne se conduisait pas bien, je la faisais s’asseoir sur une petite chaise. Je la sentais contrariée, elle semblait comprendre qu’il s’agissait d’une punition. Elle devait compter jusqu’à dix, puis, graduellement, j’allongeai la punition. C’est ainsi qu’elle apprit à compter.
Je lui ai appris à composer le numéro de téléphone de sa mère (francophone) à qui elle répétait régulièrement les mêmes phrases. (Son père est anglophone) Je lui faisais écrire son nom et son âge sur le tableau noir chaque jour, elle a appris à le faire seule.
J’avais l’habitude de dire une petite prière à haute voix, avant les repas et lors de la deuxième année, Martine la reprennait toute seule et finissait par le signe de la croix qu’elle traçait sur elle. C’était un progrès réel même si récitée de manière saccadée. Par la suite, toute contente elle s’applaudissait. On disait ensemble ‘‘Bravo!’’ puis elle tirait sa chaise pour s’asseoir et manger.
Toujours pour travailler sa motricité fine et la familiariser au travail intellectuel et cognitif, j’allais écrire avec elle des mots au tableau noir en lui tenant la main. Je lisais les mots et elle les répétait! (écholalie!). C’était fascinant!
Martine surprenait tout le monde par ses progrès et ses ‘‘exploits’’. À un certain moment, j’ai compris qu’elle pouvait apprendre plus que des mots simples. Comme, depuis trois ans, je poursuivais la rédaction de ma méthode de lecture : ‘‘J’apprends bien avec toi... Jappy!’’, je décidai donc de l’expérimenter avec Martine.
Un jour, j’eus l’énorme surprise de l’entendre lire une série de mots que j’avais écrits à l’ordinateur avec mes pictogrammes en couleur, que je venais tout juste de recevoir de Generator, mes dessinateurs. Tout le monde autour d’elle était émerveillé. Martine s’applaudissait en souriant!
J’ai une vidéo de Martine en train de lire alors qu’elle n’avait que cinq ans. Vous pouvez visionner ce vidéo sur ce site. Martine a maintenant 17 ans et peut lire assez bien. Vous pouvez le constater vous-même en visionnant la courte vidéo également sur ce site. Cette vidéo a été produite récemment dans ma petite école par mon petit-fils Guillaume Lavoie.
Martine a son pictogramme. On peut la voir dans le phonème du son oeur à l’intérieur de la lettre ‘‘O’’ dans un petit cœur rouge. Vous la verrez chaque fois que vous lirez les mots cœur, sœur, chœur,… dans les mots où la lettre ‘‘O’’ est silencieuse… un peu comme la belle Martine qui, on pourrait dire ne parlait pas, puisqu’elle ne parlait pas d’elle-même. Martine a son poème que j’ai composé pendant que je travaillais avec elle. Ce poème se retrouve un peu plus bas dans cet onglet et dans chacun des livres de lecture.
Martine a un livre d’histoire intitulé : ‘‘Martine est un vrai beau petit cœur d’enfant autistique!’’ Il nous parle de son cheminement à l’école, de ses phobies et de ses réussites. La vente de son livre aidera Martine en aidant la cause de l’autisme. Vous pouvez vous procurer ce livret en allant sur l’onglet magasin. Vous pourrez alors mieux comprendre les enfants et leurs parents qui doivent composer avec la dure réalité de l’autisme.
Martine a un couplet dans la chanson : ‘‘Sur les pages de mon cahier.’’ Il y est dit qu’on la voit dans un petit cœur et qu’on l’aime bien comme une petite sœur.
Comme il y a souvent, à la Maternelle ou au Jardin, un enfant désigné pour être le ‘‘petit cœur du jour’’, on retrouve la photo de Martine sur un petit napperon destiné au ‘‘petit cœur du jour’’. Le ‘‘petit cœur du jour’’ pourra y inscrire son nom qui pourra être effacé, pour le remplacer par un autre. Vous pouvez vous procurer ce napperon en allant sur l’onglet magasin.
Martine ne me regardait pas toujours, mais, quand elle osait le faire, je ressentais un bonheur immense, elle avait de si beaux yeux!
J’aurais aimé continuer à enseigner à Martine. Malheureusement, j’ai dû quitter mon emploi pour raison de santé. Il me fut impossible de reprendre le travail après avoir subi trois pontages coronariens en l’an 2000.
Je peux dire en terminant que j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec elle. Ce fut une expérience positive pour moi.